Qu’est-ce qu’une autoroute électrique ?
À l’heure où la mobilité durable devient une priorité mondiale, les autoroutes électriques apparaissent comme une solution prometteuse pour prolonger l’autonomie des voitures électriques tout en réduisant les temps d’arrêt. Mais de quoi s’agit-il exactement ? Les autoroutes électriques, appelées aussi « autoroutes à recharge dynamique », sont des infrastructures capables de recharger les véhicules électriques en mouvement, sans nécessiter d’arrêt dans une station de recharge. Cette technologie, encore en phase expérimentale dans plusieurs pays, pourrait révolutionner le transport routier.
Le concept repose sur plusieurs technologies : l’induction magnétique (sans contact), les rails de contact (semblables à ceux utilisés par les tramways), ou encore des lignes aériennes comme celles utilisées pour les camions dans certains projets pilotes. Ces systèmes peuvent alimenter directement le moteur du véhicule ou recharger sa batterie pendant qu’il roule.
Pourquoi les autoroutes électriques suscitent-elles autant d’intérêt ?
Le principal frein à l’adoption massive des voitures électriques reste l’autonomie et le manque de bornes de recharge rapides sur certaines portions du réseau routier. Si les batteries ont beaucoup progressé, la peur de tomber en panne reste bien réelle pour de nombreux automobilistes. C’est ici qu’interviennent les autoroutes électriques : elles pourraient permettre de réduire significativement la taille des batteries (et le coût final des véhicules), tout en garantissant une recharge continue sur les grands axes de circulation.
Les bénéfices d’un tel système sont nombreux :
- Réduction du temps de recharge, puisque celui-ci s’effectuerait pendant la conduite.
- Diminution du poids des véhicules grâce à des batteries plus petites.
- Moins de besoin en infrastructures de recharge statique, désengorgeant les stations existantes.
- Réduction des émissions de CO₂ pour les véhicules poids lourds grâce à une électrification partielle via caténaires ou systèmes au sol.
Les technologies actuellement testées
Plusieurs pays ont lancé des tests grandeur nature pour valider la faisabilité des autoroutes électriques. En Suède, la première route électrifiée a vu le jour dès 2018 sur une section de deux kilomètres. Le véhicule équipé y recharge sa batterie grâce à un rail électrifié installé au sol. D’autres projets suédois visent maintenant à électrifier une portion d’environ 20 kilomètres sur une autoroute majeure, avec une mise en service prévue pour 2025.
En Allemagne, des essais pilotés par Siemens et le gouvernement fédéral utilisent un système de caténaire pour des camions hybrides. Lorsque le camion détecte la ligne aérienne, il déploie automatiquement un pantographe qui vient se connecter et alimenter le moteur électrique tout en rechargeant la batterie.
En Italie et au Royaume-Uni, des recherches se concentrent sur l’induction électromagnétique, une technologie sans contact. Des bobines enfouies dans la chaussée transmettent l’énergie à des récepteurs placés sous les véhicules. Cette solution est particulièrement adaptée aux voitures particulières, car elle ne nécessite aucun composant mécanique externe.
Quels sont les défis à relever ?
Malgré les espoirs qu’elles suscitent, les autoroutes électriques restent confrontées à plusieurs obstacles techniques, économiques et réglementaires.
- Le coût de l’infrastructure : construire des dizaines ou centaines de kilomètres de routes électrifiées demande d’importants investissements publics et privés. Le coût au kilomètre peut encore se chiffrer en millions d’euros.
- La normalisation : plusieurs technologies coexistent aujourd’hui (rail, caténaire, induction). Pour envisager un déploiement à grande échelle, il faudra s’accorder sur des standards internationaux permettant l’interopérabilité des systèmes.
- La compatibilité des véhicules : tous les véhicules électriques actuels ne sont pas conçus pour la recharge dynamique. Une adaptation technique et une nouvelle génération de véhicules devront être développées.
- Les contraintes environnementales et d’entretien : poser des rails ou des bobines dans les chaussées nécessite des travaux lourds et une maintenance régulière, ce qui peut impacter durablement le trafic.
Une solution pour les poids lourds et les usages intensifs
Si l’idée d’un réseau autoroutier capable de recharger toutes les voitures peut sembler futuriste, certaines applications à court ou moyen terme sont plus réalistes. En particulier pour les poids lourds, souvent pointés du doigt pour leurs fortes émissions de CO₂. Pour ces véhicules parcourant de longues distances chaque jour, la recharge dynamique permettrait de réduire significativement les arrêts tout en optant pour un mode de propulsion plus propre.
Dans ce contexte, des autoroutes « électrifiées » à destination des flottes logistiques, des lignes de fret ou des itinéraires à fort trafic poids lourds pourraient émerger en priorité. La logistique urbaine, notamment dans les ports ou les zones intermodales, est également un terrain de test pertinent pour ce type d’innovation.
Une alternative aux « superchargeurs » et bornes classiques ?
À ce jour, le réseau de bornes de recharge rapide se développe rapidement. En Europe, des acteurs majeurs comme Ionity, TotalEnergies ou Tesla investissent massivement dans les points de recharge ultrarapide, capables de redonner 80 % d’autonomie en moins de 30 minutes. Alors, les autoroutes électriques sont-elles vraiment mieux ?
La réponse dépend surtout des usages. Un particulier qui effectue des trajets courts n’a pas forcément besoin d’une recharge dynamique. En revanche, sur de longues distances, pour des usages professionnels ou pour le fret, ne pas avoir à s’arrêter représente un avantage décisif. Il est donc probable que les autoroutes électriques coexistent dans un écosystème plus large où chaque mode de recharge aura son rôle à jouer, selon la typologie des trajets et des usagers.
L’Europe en première ligne, la France en observation
L’Union Européenne mise sur la mobilité verte et intègre les autoroutes électriques dans sa stratégie globale de neutralité carbone à l’horizon 2050. En France, plusieurs études exploratoires ont été commandées par le Ministère des Transports. Des expérimentations, dans le cadre du programme France 2030, sont en cours, mais aucun projet de grande ampleur n’a encore été lancé à ce jour. Toutefois, si la technologie mûrit et que les coûts diminuent, l’adoption pourrait être relativement rapide, notamment sur les grands axes reliant les métropoles.
Il est encore trop tôt pour dire si les autoroutes électriques deviendront le standard de la mobilité électrique du futur. Mais avec l’essor des véhicules zéro émission, la question d’un réseau de recharge plus souple, adaptable et en mouvement se pose avec acuité. Ce qui est certain, c’est que la transition énergétique s’accélère et que les infrastructures devront suivre, avec toujours plus d’ambition et d’innovation.